BANGUI, 27 mars 2013 (AFP) - L'avocat Nicolas Tiangaye, reconduit mercredi Premier ministre en Centrafrique après la prise du pouvoir par la rébellion, apparaît dans son pays comme un juriste réputé et un défenseur des droits de l'Homme au parcours respecté.
"Un homme intègre dans un océan de corruption", assure un diplomate. "Il est intègre. Son parcours est impeccable. Il ne transige pas", renchérit Martin Ziguélé, un des principaux opposants. "Quelqu'un de bien", affirme Eric Massi, coordonnateur de l'alliance rebelle Séléka. "On le respecte", dit aussi un membre du pouvoir.
Rares sont, pour l'instant, les critiques, même si certains déplorent le tempérament "soupe au lait" de cet homme trapu au visage rond, portant fine moustache et lunettes à montures dorées.
Sans être charismatique, Nicolas Tiangaye, franc-maçon et avocat à la diction lente, semble peser chacun de ses mots et de ses actes.
Né en 1956 à Bocaranga (nord-ouest), d'un père infirmier, il a effectué ses études de droit à Bangui puis en France (à Orléans, centre), obtenant son titre d'avocat en 1980.
Six ans plus tard, il se rend célèbre aux côtés de l'avocat français Francis Szpiner en défendant, à Bangui, l'ex-"empereur" centrafricain Jean-Bedel Bokassa (1966-1976), qui sera condamné à mort, puis gracié et finalement libéré en 1993. "A l'époque (en 1986, ndlr), il y avait six avocats en Centrafrique. J'étais le plus jeune. Deux défendaient déjà les parties civiles, un ne voulait pas" défendre Bokassa, se souvient-il.
En 1989, il prend en charge une autre affaire très médiatique, celle d'un général nommé... François Bozizé, accusé de complot par le régime du général-président André Kolingba (1981-1993). "Je remplissais mon rôle d'avocat. Il a été acquitté, je ne le regrette pas", confie-t-il à propos de Bozizé, qui deviendra plus tard son "pire ennemi" en tant que chef de l'Etat, selon un diplomate occidental.
En 1991, Nicolas Tiangaye doit se défendre d'accusation de complot. La même année, celui qui dit trouver son inspiration chez le comique français Coluche, et les personnalités catholiques mère Teresa ou l'abbé Pierre, fonde la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme, qu'il présidera jusqu'en 2004.
Entre-temps, en 1996, il défend au Tribunal pénal pour le Rwanda l'un des responsables accusés de génocide, Jean-Paul Akayesu, finalement condamné à la perpétuité.
Après avoir refusé un poste de Premier ministre sous la présidence d'Ange-Félix Patassé (1993 à 2003), il se lance en politique lorsque celui-ci est renversé par le général Bozizé, il y a dix ans.
Il préside alors le Conseil national de transition (parlement de transition). Et il est l'un des principaux artisans de l'actuelle Constitution adoptée en 2004, qui prévoit que le président ne puisse pas effectuer plus de deux mandats de suite.
Selon lui, il se heurte alors au chef de l'Etat qui lui en voudra toujours. Tiangaye accuse Bozizé d'avoir bloqué par deux fois son élection comme député en truquant les scrutins. Un membre du régime de Bozizé balaie ces accusations: "Tiangaye, il passe bien dans les tribunaux et en Europe, mais il n'est pas populaire. Il n'a jamais gagné une élection".
Il devient Premier ministre le 17 janvier dernier, après la signature de l'accord de paix de Libreville. Il renonce alors à une ambition présidentielle, cet accord interdisant au Premier ministre d'être candidat à la magistrature suprême.
"Tout le monde ne peut pas être président! Je vois cela comme un sacerdoce. Je veux jeter les bases de la démocratie dans mon pays", assure-t-il.
Au cours des deux mois qu'il a déjà passés à son poste de Premier ministre, il a dû faire face à l'inertie voire au "sabotage" du clan Bozizé qui a limité les actions du gouvernement d'union nationale, souligne un observateur.
L'homme de lois devra désormais composer avec l'ex-chef rebelle Michel Djotodia, qui s'est posé dimanche en nouveau maître du pays pour "trois ans", annonçant suspension de la Constitution et dissolution de l'Assemblée.
Mercredi, le Premier ministre a lui-même justifié cette situation en jugeant "juridiquement impossible" le maintien, "dans la situation actuelle", de la Constitution. Il veut s'arc-bouter sur l'accord de Libreville qui a posé un cadre jusqu'à la date butoir de 2016 pour l'organisation d'élections.
On le sent, en tout cas, soulagé de ne plus avoir à affronter le président déchu. Il assure que les relations avec M. Djotodia "seront meilleures qu'avec François Bozizé qui étaient trop conflictuelles".
"Le seul truc auquel je pensais, c'était de rester vivant"
BANGUI, 27 mars 2013 (AFP) - "Le seul truc auquel je pensais, c'était de rester vivant", affirme Yves de Moor, un entrepreneur belge de passage à Bangui qui a été braqué par des rebelles et vécu des moments difficiles mais aussi cocasses pendant la prise de Bangui par les rebelles du Séléka.
Yves de Moor est arrivé vendredi en fin de matinée à Bangui alors que le Séléka entamait une offensive qui devait le conduire à prendre la capitale dimanche 24 mars. "Au début, je ne me suis pas inquiété. Jusqu'à samedi, on croyait que le centre-ville serait préservé".
"Dimanche matin, ça a commencé à tirer dans tous les sens autour de l'hôtel. A gauche, à droite, au-dessus. J'ai caché la plus grande partie de mon argent dans le double fond de la poubelle des toilettes et j'en ai mis en évidence dans l'armoire".
"Puis, des rebelles ont débarqué à l'hôtel armes à la main. Ils ont déboulé dans ma chambre. Il y avait un jeune de 18 ans ou moins et un autre plus âgé. Ils étaient tendus. Ils m'ont braqué avec leurs armes en disant: +Donne argent+. Le seul truc auquel je pensais, c'était de rester en vie. Je leur ai donné mais ils en voulaient encore. L'un a armé sa kalach, et j'ai donné ce qui restait dans le porte-feuille. Ils sont partis avec mes portables".
"Quelques minutes plus tard, ma fille Ellen de 28 ans qui m'appelait régulièrement depuis le début de l'attaque a téléphoné. Un des rebelles a répondu: +Madame, monsieur mort+".
Pendant plusieurs heures, sa famille l'a donc cru mort avant que M. De Moor donne de ses nouvelles par mail grâce à la connexion internet miraculeusement revenue quelques temps après.
"Les rebelles sont revenus plusieurs fois. Ils voulaient voler des Mercedes. On m'a braqué à nouveau, on m'a forcé à sauter du premier étage pour venir les voir. Ils me demandaient les clés. Ils ont essayé de démarrer les voitures avec ma clé d'hôtel!".
Quelques heures plus tard, il redescend à la réception de l'hôtel. Les rebelles sont là mais ils "sécurisent désormais l'hôtel: +on est là pour vous protéger+" annoncent-ils.
La nuit est calme. Il est réveillé à 6h du matin par un appel: "De Moor! Extraction!". Le consul de Belgique Steven Hameeuw, également directeur du plus grand hôtel de Bangui, récupère les ressortissants belges dans une ville en proie aux pillards.
"Il y avait deux véhicules du Séléka. Celui dans lequel on est monté était volé! On a été récupérer un autre Belge. Le chauffeur avait du mal avec la voiture qui avait démarré sans clé, avec les fils de contact. Heureusement, le consul savait y faire. Je remercie cet homme, il a fait preuve de beaucoup de sang-froid. Remarquable!".
Les locaux du CICR pillés
GENEVE, 27 mars 2013 (AFP) - Les entrepôts et résidences du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Centrafrique ont été en grande partie pillés, a indiqué mercredi une porte-parole de l'organisation humanitaire basée à Genève.
"Des bâtiments qui servent pour le stockage de matériel et de denrées ont été pillés à Bangui. Une grande partie des denrées et vivres a été pillée", a déclaré à l'AFP une porte-parole du CICR, Marie-Servane Desjonqueres.
"Ces actes mettent en péril l'action du CICR. Une grande partie pouvait permettre de répondre aux situations d'urgence", a-t-elle dit.
Des lieux de résidence où est logé le personnel expatrié du CICR ont aussi été pillés, a-t-elle ajouté.
Mercredi, l'organisation a pu redéployer, une partie de son personnel dans Bangui, pour la première fois depuis la prise de la capitale centrafricaine par la rébellion, a expliqué Mme Desjonqueres.
Des représentants du CICR ont ainsi pu se rendre dans les hôpitaux pour voir les blessés et effectuer une première évaluation des infrastructures sanitaires.
Jusqu'à présent, seuls des secouristes de la Croix-Rouge centrafricaine ont pu effectuer quelques évacuations de blessés ou de dépouilles mortelles, selon la porte-parole.
Le CICR ne dispose pas encore d'une image précise de la situation humanitaire pour le moment, a-t-elle indiqué.
"Notre priorité, c'est de pouvoir nous déplacer de manière plus importante", a ajouté la porte-parole.
Elle a par ailleurs indiqué que le CICR disposait sur place de sept expatriés et de 129 employés centrafricains.
La capitale centrafricaine est tombée dimanche après une offensive éclair des rebelles de la coalition Séléka au terme de laquelle le président François Bozizé a été renversé. Les rebelles accusent le président déchu de ne pas avoir respecté des accords de paix signés en début d'année.
Maintenant ce monsieur va vivre ce que c'est l'exil après avoir été President
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